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Je peux savoir ce que tu as fait ces dernières années ? Tu peux m’expliquer ce bordel à Hollywood ?

Je ne te félicite pas. Tu as certes passé du temps à gérer tes démons et autres histoires de famille mais je te rappelle que tu as une profession : nettoyer le linge sale des riches familles de Los Angeles.

Et là, je te le demande : Weinstein ?

Ma question te surprend ? Laisse moi rire ! Même moi, il y a 10 ans, alors assistante dans l’audiovisuel français, j’avais entendu parler de ses déviances et exigences sexuelles !Les femmes ignoraient le sujet, les hommes gloussaient.

Alors ? Je suppose que tu lis ma lettre, assis sur le canapé de ta garçonnière, coudes posés sur tes genoux, premier bouton de ta chemise blanche ouvert. Allez, soyons folle : les deux premiers boutons ouverts parce que tu es proche de l’étranglement.

Tu as merdé, je n’ai pas d’autres mots. Ce Weinstein, tu aurais dû le piéger depuis très longtemps.

Mais bon…tu n’es pas le seul à blâmer, si cela peut te rassurer. Quand on y pense bien, se dire que tout Hollywood, plus au minima le cinéma français étaient au courant …c’est pas très rassurant. C’est encore moins rassurant de savoir qu’il n’est pas le seul à avoir ce genre de comportement.

Alors Ray, qu’est ce qu’on fait maintenant ? On lui refait le dentier sur la cuvette des toilettes ?

Non… j’opterai pour l’option douce et efficace, celle qui laisse des traces : on l’installerait dans une pièce plongée dans le noir et une femme lui susurrait Simone de Beauvoir : « Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant qu’un homme inquiet pour sa virilité. »

On peut s’attendre à ce qu’il craque et qu’il lâche un vulgaire et classique « Viens Salope, je vais te montrer la taille de ma bite ».

Bon. A ce moment-là, faudra lâcher les chiens.

Passons Ray, passons…tu ne peux plus rien faire dans cette affaire et tu ne pourras malheureusement rien faire dans les suivantes.

De toute façon, nous avons décidé de nous rebeller. Mieux nous dénonçons.

Désormais, j’espère qu’un homme s’abstiendra de caresser ma cuisse dans le métro et de tenter de mesurer le contour de mon fessier.

J’espère ne plus voir une femme, jeune ou moins jeune, se faire coincer contre les parois du métro par deux hommes transpirants.

J’espère ne plus avoir à regarder droit dans les yeux ceux qui sont offusqués de m’entendre dénoncer un comportement déviant.

J’espère ne plus avoir à expliquer à des contrôleurs et agents de maitrise de la SNCF que leurs blagues douteuses pendant le trajet ont leurs limites.

J’espère ne plus avoir à croiser ces hommes qui humectent leurs lèvres en me regardant avec leur regard salace.

J’espère que les femmes supporteront enfin leurs amies victimes. Que plus jamais la question « Mais peut-être as tu fait ou dis quelque chose qui lui laissait penser que… » ne sera entendue.

J’espère que désormais, les pères, frères, amis agiront en protecteurs et non en juges.

Bref, Ray, il est grand temps que tu prennes ta place de héros. Mon héros.

J’ai pensé que ta seule présence à mes cotés suffirait à glacer le sang des prédateurs. Tu pourrais être mon ombre, assez en retrait pour surveiller de loin et assez prêt pour réagir en une fraction de seconde.

Aucun dérapage ne serait permis entre nous. Je sais, ça ne sera pas facile, mon sex-appeal est à son apogée mais ma libido est pathétiquement au point mort.

 Et il y eut cette soirée dans un bar.

Un homme n’avait pas remarqué, de toute évidence, que je discutais avec deux amies, et qu’en aucun cas ma tête s’était transformée en tour de contrôle pour repérer un éventuel mâle. Je le répète : libido au point mort.

Il m’a importuné une fois.

Il a récidivé. Abruti.

Je l’ai giflé.

Il fut étonné.

Ça m’a agacée.

Je l’ai giflé une seconde fois.

Alors voilà, Ray, je n’ai plus besoin de toi. Je voulais un héros. Je suis devenue une héroïne.