Willy - Homeless - Chicago - By Audrey Lisquit
Willy – Homeless – Chicago – By Audrey Lisquit

Je vous ai rencontré à l’angle de North State et East Pearson, à la fin de l’hiver.

Vous m’avez raconté un peu de votre histoire et vous avez insisté pour me montrer vos papiers d’identité. Vous aviez comme une urgence à me prouver qui vous étiez, un citoyen à part entière et un homme qui s’accrochait à sa propre existence.

Je ne voyais que votre regard rieur et votre sourire malgré la situation dans laquelle vous étiez. Vous m’avez donné une belle leçon de courage et sans en être conscient, vous m’avez apporté un peu de réconfort, à moi, la petite française fraichement arrivée à Chicago. Je passais mes journées à arpenter les rues de la ville pour laquelle j’avais eu un coup de foudre quelques mois plus tôt, et je me sentais désespérément seule.

Ce que vous ne savez pas Willy, c’est que nous avons quelque chose en commun, et je ne dois d’être debout qu’aux personnes qui ont alors croisé ma route et m’ont tendu la main. J’avais la jeunesse pour moi et une gueule d’ange. Chanceuse peut on penser.

Oui, mais un instinct de survie fortement développé.

La rue, quand bien même les années passent, ne s’efface pas de notre mémoire. Inconsciemment ou consciemment, je ne sais pas, y échapper nous donne une force et un certain regard sur la vie.

Beaucoup de personnes autour de moi pensent que je suis gâtée par la vie. Elles jalousent mon insouciance, s’agacent parfois de mon sourire et de ma légèreté, et je ris parce qu’au fond elles ne savent rien de moi.

Je suis d’une empathie extrême et certaines histoires me touchent plus que d’autres. Ce que pensent les bien-pensants m’indiffère. Le politiquement correct me fatigue. Seuls les actes réalisés avec le cœur comptent.

Willy, il y a des rencontres que nous n’oublions pas. Peut-être parce qu’elles nous ramènent tout simplement à ce que nous sommes. Peut-être parce qu’elles nous rappellent que nous sommes humains et tellement fragiles. Peut-être parce qu’elles effleurent notre âme et y déposent une trace indélébile.

Je ne vous ai pas oublié Willy. Non, toujours pas. Pire, je vous ai cherché. Inlassablement. J’ai fait la promesse de vous retrouver. Tant pis pour vous. Parce que mon amitié est acquise. J’espère juste qu’un jour je croiserai à nouveau votre chemin et que je pourrai, à ma façon, changer un peu le cours des choses.

Prenez soin de vous Willy, et j’espère à bientôt, à Chicago.

Audrey

extrait Cher Willy