Adolescente, j’étais chef de bande au lycée. Aimée et crainte. Détestée et respectée. Mon idole, c’était Charlie Chaplin. Non, je rigole ! Celui qui était mon modèle, qui me faisait frémir, qui alimentait mes rêves, c’était Al Capone.
Hors de question de me laisser attendrir par des comédies romantiques. J’épluchais films et livres sur le Monsieur et le mur de ma chambre était tapissé de ses plus belles photos : Al à la pêche, Al spectateur d’un match de base-ball, Al fumant un cigare, Al en maillot de bain, Al et sa bande. Au-dessus de mon lit, j’avais affiché ce que j’estimais être son plus beau portrait : Al coiffé de son panama blanc, habillé de son complet trois pièces et de sa cravate à rayures. Il me fixait de ses yeux clairs et ce qui me frappait c’était son regard pétillant qui semblait rire alors qu’il ne souriait pas. Oh cette bouille !
Alors, quand quelques années plus tard je me suis installée à Chicago, il était évident que je devais suivre les traces de mon mentor.
Quelle ne fut pas ma déception lorsque j’appris que le Lexington Hôtel, où étaient installés ses bureaux, avait été détruit. Sacrilège.
J’avais les larmes aux yeux, mais je restais digne, devant le parking de quelques places qui avait remplacé le garage où fut perpétré le massacre de la Saint Valentin.
Et j’étais heureuse, au Green Mill situé sur North Broadway. Ce lieu mythique, mondialement connu par les passionnés de jazz, avait abrité les grandes heures de la bande d’Al Capone et surtout celles de Jack McGurn, dit Machine Gun, qui géra le lieu. Machine Gun était présumé responsable du massacre de la Saint Valentin. La boucle était bouclée. Dans le décor des années 30, assise à la table qu’avait auparavant occupée Al, entourée de photos de mon idole, j’écoutais la musique et laissais mes yeux imaginer ce que nous ne pouvons plus voir.
A suivre…