J’ai fait la connaissance de Paul et Robert après être tombée de tout mon long sur ce dernier, lequel ne s’était pas offusqué et semblait même habitué. J’avais juste aperçu dans son regard ce petit air blasé, et entendu une sorte de soupir, ou un râle, je ne sais pas. Mais il n’avait pas souffert, c’est certain. Moi, je m’étais ridiculisée et j’avais perdu toute dignité.
Mon jogging hebdomadaire au bois de Vincennes était donc compromis et contre toute attente, Paul s’était montré inquiet et avait insisté pour me raccompagner en ville.

Depuis cet épisode malheureux, Paul, Robert et moi étions devenus inséparables.
C’était une amitié sans aucune ambigüité et nous nous retrouvions quotidiennement et inlassablement, cuisinant chez l’un, chez l’autre, regardant des films sans que le silence ne nous gène.
Paul était un gentleman : toujours souriant, éduqué, cultivé. Il faisait attention aux détails et chaque mot qui sortait de sa bouche était pesé.
Robert, quant à lui….était plutôt introverti. Et partout où Paul allait, Robert le suivait. Parfois, il me fixait et produisait un petit son qui me mettait mal à l’aise. Il daignait de temps en temps m’écouter mais à chaque fois il laissait s’échapper un soupir. Perturbant.

Arriva ce matin un peu gênant, lendemain d’une soirée alcoolisée, où je tentais d’ouvrir un premier œil, et distinguais Paul et moi allongés (et habillés….merci !) sur le lit. Ah non ! Paul, Robert et moi allongés sur le lit. Oui, comment avais-je pu ignorer les ronflements de Robert, allongé sur le dos, la gueule ouverte, posée sur mon épaule, son haleine fétide caressant mes narines et me rappelant à mon grand désespoir que l’alcool n’avait pas anesthésié mon sens olfactif. Mais j’avoue avoir été flattée que cette petite boule de poils, de toute évidence habituée à partager le lit de son maître, se soit enfin rapprochée de moi.